Si l’apparition des premières organisations internationales non gouvernementales remonte au milieu du 19e siècle, avec par exemple la création du Comité International de La Croix Rouge (CICR) en 1863, le terme en lui-même ne fut formulé pour la première fois qu’en 1945 par le Conseil économique et social de l’ONU pour être ensuite inscrit dans l’article 71 de la Charte des Nations-Unies. Il désignait alors les organisations qui, sans être rattachées à un Etat et à son gouvernement, pouvaient être associées aux discussions internationales sur certains sujets du fait de leur expérience et de leurs connaissances pratiques des questions traitées.

 

Aujourd’hui, depuis la résolution du 25 juillet 1996, l’ONU définit une ONG comme « une organisation qui n’a pas été constituée par une entité publique ou par voie d’un accord intergouvernemental » et dont les « moyens financiers doivent provenir essentiellement des cotisations de ses affiliés ».

Le rôle joué par les ONG internationales a cependant beaucoup évolué depuis 1945. Alors que jusqu’à la fin des années 1980 elles intervenaient principalement dans le domaine de l’aide au développement puis de l’aide humanitaire d’urgence, les ONG internationales ont gagné en influence auprès des institutions internationales avec lesquelles elles collaborent plus étroitement dans la lutte contre la pauvreté depuis le début des années 1990. Cette évolution les a toutefois contraintes à se transformer pour s’adapter aux exigences de leurs bailleurs de fonds sans pour autant renoncer à leur indépendance.

 

De l’aide au développement à l’aide humanitaire d’urgence : les ONG restent des acteurs militants en marge des relations internationales jusqu’à la fin des années 1980.

Les ONG internationales dont l’action s’inscrit en faveur de l’aide au développement apparaissent à partir de la fin de la Seconde Guerre Mondiale. Auparavant, les ONG internationales intervenaient principalement pour la défense d’une cause humaniste comme le CICR, le Rotary et la Ligue Internationale des Femmes pour la Paix et la Liberté, ou en faveur d’intérêts spécifiques comme la Chambre de Commerce Internationale.

C’est aux Etats-Unis que naissent ces premières ONG dites de développement sous la forme initiale de dons alimentaires puis de fonds distribués par les réseaux des missions confessionnelles bien installées dans les pays bénéficiaires. Ce sont également les Eglises en Europe qui les premières œuvrent dans ce sens, avant que leur action ne soit relayée par des organismes laïques.

Le caractère alternatif du positionnement   de ces associations par rapport aux appareils politiques en place est alors souvent marqué.  Dans les années soixante‑dix, de nombreuses ONG contestent ainsi les rapports Nord‑Sud ainsi que les politiques menées dans les pays en développement sous l’impulsion de pays développés et considèrent souvent l’échange inégal entre le Nord et le Sud comme cause principale du sous‑développement.

Toutefois, face à la persistance du sous-développement -malgré la multiplication des projets d’assistance mis en œuvre- et en réponse à la succession de crises humanitaires, de nouvelles ONG dites « d’urgence humanitaire » apparaissent au début des années 1980. Hostiles à l’égard de l’idéologie tiers-mondiste dont elles rejettent les modèles de développement, également méfiantes à l’égard des autorités publiques des pays dans lesquels elles interviennent, ces ONG considèrent l’aide aux populations plus importante que l’aide au développement. La médiatisation des situations dramatiques a projeté la lumière sur leurs actions, nées dans la mouvance de Médecins Sans Frontières en 1969 à la suite de la guerre du Biafra. Les années 1980 voient ainsi l’émergence d’une nouvelle vague d’ONG telles Action contre la Faim, Aide Médicale d’Urgence ou encore Handicap International. Cherchant à optimiser et à gérer efficacement leurs interventions, ces nouvelles ONG se démarquent des initiatives militantes antérieures et spontanées au profit d’initiatives planifiées exigeant des compétences précises. A côté du militant engagé apparaît à cette période le profil du volontaire qualifié dont le rôle prend de plus en plus d’importance au sein des grandes ONG internationales.

 

Depuis le début des années 1990, les ONG internationales sont devenues des acteurs incontournables de la lutte contre la pauvreté

Les politiques d’ajustement structurel mis en œuvre au cours des années 1980 dans les pays en développement qui avaient fait appel au Fonds Monétaire International (FMI) ou à la Banque Mondiale se sont notamment traduites par une réduction drastique de la fourniture de services publics. Dans les pays du Sud concernés, cette situation a eu comme conséquence un accroissement sensible de la pauvreté ainsi que la multiplication du nombre d’ONG locales à vocation sociale visant à combler pour partie le désengagement de l’Etat.   

Face à ce constat, la Banque Mondiale décida au début des années 1990 d’adopter des mesures sociales ciblées destinées à accompagner les programmes économiques imposés à ces pays. Elle décida également d’instaurer une nouvelle approche dans ses modalités d’intervention au profit des pays en développement à travers la notion de « gouvernance ». Celle-ci se fonde sur une prise de décision dans laquelle l’accent est porté sur l’interaction et la négociation entre l’Etat, les acteurs privés et la société civile, que la Banque Mondiale assimile aux ONG et associations communautaires qui sont, selon elle, les seuls représentants des populations pauvres du fait de l’inefficacité des autorités publiques et de la défaillance du marché dans le domaine social.

Pour la Banque Mondiale, la promotion et le soutien aux ONG deviennent alors un moyen privilégié de l’aide publique au développement et de la lutte contre la pauvreté qu’elle érige comme une priorité : les ONG agissent alors comme des médiateurs que la Banque Mondiale utilise pour identifier les besoins locaux, organiser la fourniture de services sociaux et faire remonter les informations du terrain.

Suite à l’affirmation de la priorité donnée à la lutte contre la pauvreté et à la gouvernance, les aides directes au développement en faveur des Etats ont diminué au profit d’aides sectorielles dont les premiers bénéficiaires ont été les ONG internationales et leurs partenaires locales qu’elles ont pu activer dans le cadre de relations s’assimilant à de la sous-traitance.

Les succès qu’elles ont alors rencontrés ainsi que la reconnaissance de l’importance du rôle de la société civile dans les pays du Sud ont permis aux ONG internationales de devenir des acteurs incontournables dans les politiques de développement, d’élargir leurs zones géographiques d’action et d’être reconnues en qualité de participants de plein exercice dans les sommets et réunions internationaux. Au niveau européen, elles sont ainsi systématiquement consultées et associées à la définition et à la mise en œuvre de la politique d’aide au développement. l’ONU a également octroyé un statut consultatif auprès du conseil économique et social des Nations Unies à environ 5500 ONG. La présence des ONG s’est aussi considérablement renforcée dans les groupes de travail mis en place par la Banque Mondiale. L’Organisation Mondiale du Commerce, quant à elle, a acté depuis 1995 la présence d’ONG en séance plénière de ses conférences ministérielles.

 

Les ONG ont dû se transformer pour pouvoir répondre aux exigences des institutions internationales mais aussi pour préserver leur indépendance.

Les ONG internationales sont devenues dans les années 1990 des partenaires centraux des institutions internationales en charge du développement -qui financent leurs interventions dans le cadre des programmes de lutte contre la pauvreté- et ont dû pour cela accepter de transformer leur organisation interne. Afin de pouvoir prouver le résultat de leurs actions, il leur a fallu en effet se conformer aux exigences formelles et techniques de leurs bailleurs de fonds. Ces derniers imposent par exemple des évaluations basées sur des indicateurs de performance. Les ONG internationales ont aussi dû adapter leur capacité logistique afin de pouvoir répondre à la demande d’une gestion efficace et transparente. Ces nouvelles contraintes les ont amenées à évoluer vers une bureaucratisation croissante de leurs processus de fonctionnement et, concomitamment, une forte professionnalisation de leurs personnels qui s’est traduite par le recrutement de salariés qualifiés dans tous les domaines de leur organisation.

L’évolution du rôle et de l’influence des ONG dans les relations internationales a toutefois eu comme contrepartie un risque de dépendance accrue à l’égard des financements en provenance des institutions internationales, ce qui pouvait constituer une menace pour leur indépendance politique.

De fait, les ONG internationales ont cherché à accroître fortement le poids des dons dans leurs ressources financières dans le but de contrebalancer l’importance croissante des fonds d’origine publique. Cette volonté les a conduites à recourir à une stratégie de communication intensifiée à destination du public.

L’ensemble de ces transformations -culture de la performance, bureaucratisation des processus de fonctionnement, professionnalisation des personnels et stratégie de communication intensifiée- a modifié profondément l’organisation des grandes ONG internationales dont le management peut désormais parfois davantage ressembler à celui des grandes entreprises multinationales privées qu’à celui du monde associatif.

 

Retrouvez aussi notre vidéo sur les ONG !

 

Principales sources utilisées :

  • Sites internet de l’ONU et de la Banque Mondiale
  • Face au défi du développement : comment renforcer les ONG française ? Avis du Conseil économique, social et environnemental, 2013
  • Professionnalisation des ONG : force ou faiblesse ? Entraide et fraternité, 2018
  • Les ONG : deux siècles et demi de mobilisation, Steve Charnovitz, 2002
  • Les ONG au secours de la Banque Mondiale, Fondation Gabriel Péri, 2019
  • Les ONG : outils de contestation de la globalisation, Bernard Hours, Journal des Anthropologues, 2003
  • Les ONG et la lutte contre la pauvreté : de la marginalité à l’exemplarité, Simon Tordjman, ceriscope.sciencepo, 2012
  • ONG : dépolitisation de la résistance au néolibéralisme ? Julie Godin, Alternatives Sud, 2020
  • Les ONG, entre légitimité et représentation, Alain Dontaine, Grotius International, 2017

 


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Publié le 10 Mars 2020. Mis à jour le 19 Janvier 2022