Le bénévolat se définit comme le fait de s’engager librement pour mener une action non salariée en direction d’autrui, en dehors de son temps professionnel et familial. Cette définition donnée par le Conseil économique, social et environnemental en 1993 fait implicitement référence à la notion de « don » puisqu’elle met l’accent sur un engagement librement consenti et non rémunéré.

De fait, le bénévolat s’inscrit dans une logique d’économie non marchande. Pour autant, il est possible de concevoir son mode de fonctionnement comme relativement proche de celui d’un marché puisqu’il existe une offre de la part de particuliers qui souhaitent donner de leur temps, de même qu’existe une demande émanant des associations ou d’autres entités du secteur non lucratif qui ont besoin de ces ressources en temps bénévoles. Comprendre comment cette offre et cette demande de bénévolat interagissent nécessite donc de cerner les ressorts de l’engagement bénévole ainsi que l’importance qu’il revêt pour le secteur non lucratif.

Dans cette perspective, il apparaît que si l’offre de temps bénévole est importante et essentielle pour assurer le bon fonctionnement du secteur non lucratif en France, elle reste très largement dépendante d’une population principalement sénior dont l’engagement semble toutefois s’éroder.

 

  1. L’offre de temps bénévole est importante et essentielle au bon fonctionnement du secteur non lucratif

Le bénévolat occupe une place très importante dans la société parce qu’il permet la réalisation d’activités non marchandes répondant à un besoin réel et qui ne seraient le plus souvent pas assurées autrement. L’engagement bénévole contribue de ce fait à répondre à de multiples besoins dans le secteur social et caritatif, des loisirs, du sport, de la culture et de la jeunesse, de la santé et l’aide aux malades et de l’environnement ou encore de la solidarité internationale et de l’insertion.

A ce titre, le bénévolat joue un double rôle. D’une part, en répondant à une demande « sociale » non-marchande, il permet de  fournir des activités ou des prestations gratuites pour les usagers-citoyens, notamment par le biais de délégations de service public à des organismes associatifs. D’autre part, à travers ces activités ou prestations, l’action bénévole peut également permettre de révéler de nouvelles demandes sociales insatisfaites.

De façon schématique, les différentes modalités d’exercice du bénévolat peuvent s’analyser à travers les quatre principales fonctions auxquelles elles correspondent dans les organismes du secteur non lucratif :

  • Un bénévolat de gestion et de représentation, dans lequel le bénévole se consacre aux tâches administratives et/ou de participation aux conseils d’administration et à la représentation externe de l’organisme, voire à l’animation, au soutien ou au contrôle des équipes en place et au suivi de gestion. L’exercice de ces fonctions rapproche de fait le bénévole qui les remplit d’un manager, voire d’un chef d’entreprise.
  • Un bénévolat productif, dans lequel le bénévole participe et contribue directement aux activités et prestations de l’organisme comme par exemple le fait d’assurer des cours de soutien scolaire dans des associations d’insertion. Ce type d’engagement bénévole requiert souvent la maîtrise de compétences spécifiques et peut de ce fait parfois conduire à une confusion des rôles avec les salariés de l’organisation.
  • Un bénévolat de soutien aux bénéficiaires qui consiste à accompagner socialement les personnes destinataires des services proposés, comme par exemple le fait de rendre visite à des personnes en situation d’isolement. Dans cette forme d’action bénévole, c’est la fourniture de lien social qui est privilégiée.
  • Enfin, un bénévolat d’usagers dans lequel les bénéficiaires des activités ou services se proposent pour en assurer la prestation. Ce bénévolat est ainsi celui d’une recherche de lien social de proximité en plus de la satisfaction d’un besoin spécifique et personne.

Les informations issues de données d’enquêtes menées en France auprès de particuliers indiquent qu’une proportion importante de la population adulte donne du temps gratuitement au profit d’autrui au sein d’une organisation, qui dans la très grande majorité des cas (90%) est en fait une association. Cette proportion varie de 37% dans l’enquête conduite par l’IFOP en 2019 à 43% pour l’enquête CSA de 2017, ce qui permet d’estimer le nombre de bénévoles en France dans une fourchette comprise entre 19 et 22 millions de personnes. D’après le rapport « Le bénévolat en France en 2017 – Etat des lieux et tendances » rédigé à partir de l’enquête conduite par le CSA, le volume de temps donné annuellement par l’ensemble de ces bénévoles correspondrait à quelques 1,4 millions d’emplois équivalent temps plein (EATP). Cette estimation est sensiblement plus élevée que celle qui avait été faite en 2002 par l’Insee (750 000 EATP) ou celle effectuée en 2005 par le centre d’économie de la Sorbonne (950 000 EATP), paraissant indiquer une progression importante de l’engagement bénévole depuis le début des années 2000.

 

  1. L’offre de temps bénévole provient principalement des séniors dont les motivations semblent cependant s’éroder

Les motivations de l’engagement bénévole individuel apparaissent très diverses. Les travaux de recherche conduits en la matière mettent en effet en avant plusieurs déterminants dans la décision de l’engagement bénévole, lesquels peuvent d’ailleurs parfois se cumuler.

Schématiquement, ces déterminants peuvent se résumer en deux grandes catégories :

  • D’une part, les motivations qui s’inscrivent dans l’idée d’obtenir un gain immédiat d’utilité correspondant soit à un acte égoïste de consommation d’un bien ou service privé, comme par exemple la garde d’enfants partagée ou la participation à une manifestation culturelle ou sportive, soit à la satisfaction de participer à la production d’un service envers autrui dans une démarche de pur altruisme.
  • D’autre part, celles qui relèvent davantage d’une logique d’investissement personnel qui pourra être rentabilisé ultérieurement grâce à l’acquisition d’un capital humain lié au développement de compétences transférables ou d’un capital relationnel élargissant le réseau de connaissances personnelles. Le capital « immatériel » ainsi constitué pourra alors être rentabilisé à travers un accès facilité à l’emploi, sous la forme d’une prime salariale ou encore en produisant des effets de réputation positifs.

La diversité des motivations du bénévolat se perçoit également à travers le degré d’intensité de l’engagement. L’enquête CSA de 2017 montre ainsi que sur la totalité du nombre de participations bénévoles, une majorité (52%) s’effectue de façon occasionnelle mais selon un degré d’intensité assez faible puisque ce bénévolat occasionnel ne génère qu’environ 13% du volume total de temps bénévole. A l’inverse, le bénévolat régulier -qui correspond au fait de s’investir de manière constante tout au long de l’année- est minoritaire en nombre (48% des participations bénévoles), mais très fortement contributeur en termes de volume de temps donné (87%).

Par ailleurs, l’enquête CSA met en évidence le fait que le volume de temps bénévole est très concentré sur une proportion relativement faible de bénévoles puisque le tiers des plus gros contributeurs contribue à hauteur de 80% du volume total du bénévolat tandis que l’apport du tiers des plus faibles n’en représente pas plus de 3%. Cette forte concentration de l’engagement bénévole trouve sa traduction au niveau statistique dans l’écart constaté entre la durée annuelle moyenne par bénévole ressortant de l’enquête CSA, qui se situe entre 100 et 111 heures, et la médiane qui n’est que de 45 – 50 heures : le tiers des bénévoles effectuant le plus grand volume d’heures au profit des associations « tire » la moyenne vers le haut, alors que la médiane n’est pas affectée par cet aspect puisqu’elle ne le prend pas en compte.

L’importance de l’écart entre la moyenne et la médiane du temps bénévole traduit en outre la grande dispersion -et donc la grande hétérogénéité- des engagements bénévoles.

L’enquête CSA 2017 permet de décrire plus finement la réalité de cette hétérogénéité de l’engagement bénévole, notamment à travers des caractéristiques socio-démographiques. Ainsi, Le rapport sur « Le bénévolat en France en 2017 », qui présente et analyse dans le détail les résultats de l’enquête, indique que les participations bénévoles réalisées en associations par les adhérents sont nettement plus conséquentes que celles effectuées par les non adhérents et représentent 90% du volume total du bénévolat. Par ailleurs, le rapport souligne que les durées annuelles consacrées au bénévolat sont globalement plus élevées chez les séniors (55-74 ans), chez les inactifs et plus particulièrement les retraités, chez les hommes et les diplômés de l’enseignement supérieur, même si ces caractéristiques peuvent varier d’un domaine d’activité à l’autre : les séniors sont par exemple beaucoup plus présents dans l’action sociale et caritative que dans le sport. Enfin, le rapport indique que le degré d’engagement est d’autant plus élevé que les bénévoles occupent des fonctions à responsabilités au sein des associations.

Au total, l’offre bénévole apparaît comme assez largement hétérogène et composée de populations aux motivations disparates. Le rapport sur le bénévolat en France en 2017 fournit à cet égard des éléments qui permettent de décrire à la fois le profil-type du bénévole qui donne de son temps de façon régulière et de celui qui à l’inverse s’investi beaucoup moins, c’est-à-dire de façon occasionnelle.

La première catégorie, celle du bénévolat régulier qui génère l’essentiel du volume de temps bénévole, concerne donc majoritairement des séniors inactifs diplômés de l’enseignement supérieur qui adhèrent à une association dans laquelle ils occupent des responsabilités et qui, à travers leur engagement, s’inscrivent dans une démarche de type altruiste et/ou de recherche de notoriété ou de prestige ou de développement de leur réseau relationnel. C’est cette population de bénévoles, assez restreinte, qui « tire » en quelque sorte l’offre de bénévolat en termes de volume d’heures donné si ce n’est en nombre de participations.

La seconde catégorie comprend les bénévoles occasionnels, principalement non adhérents à une association ou adhérents mais sans y occuper de fonctions à responsabilité et qui sont actifs, chômeurs ou étudiants. Globalement plus jeunes et moins diplômés que les bénévoles réguliers, ces personnes ont vraisemblablement moins de temps disponible à consacrer à leur engagement et sont aussi sans doute plus enclines à s’engager pour des motifs de type égoïste ou d’acquisition d’un capital humain transférable, notamment en entreprise.

 

Il apparait cependant que les caractéristiques socio-démographiques du bénévolat se sont transformées récemment. Ce constat ressort des résultats de la campagne 2019 de l’enquête triennale que l’institut de sondage IFOP réalise depuis 2010 et qui montrent notamment que l’engagement des plus de 50 ans tend à s’éroder sur la dernière décennie contrairement à celui des plus jeunes qui s’affiche en progression.

Ces changements pourraient s’expliquer par certains facteurs générationnels ou sociétaux :

  • Pour les moins de 35 ans, une volonté de s’engager davantage pour une cause (humanitaire, sociale, environnementale,…) alors que le développement d’internet et des réseaux sociaux facilite le passage à l’acte. L’expérience bénévole peut aussi apparaître pour les jeunes comme un atout dans la recherche d’un emploi.
  • Pour les 5065 ans, la peur du chômage et la nécessité d’accompagner leurs ascendants dans le grand âge et parfois aussi leurs descendants dans leur vie quotidienne peuvent expliquer une plus grande réticence ou une moindre disponibilité.
  • Pour les plus de 65 ans, le désir de voyages et d’activités de loisir, la concurrence de la solidarité familiale et la nécessité pour un nombre croissant de retraités de travailler pour compléter leurs revenus se cumulent et laissent moins de possibilité ou de volonté de s’engager dans du bénévolat.

Ces évolutions dans les comportements générationnels à l’égard de l’engagement bénévole ne sont pas neutres pour les associations puisque les séniors retraités leur fournissent une part importante des ressources humaines indispensables à leur bon fonctionnement.

 

 

Principales sources utilisées :

  • Rapport sur « Le bénévolat en France en 2017 – Etat des lieux et tendance »
  • Le bénévolat en France en 2017 état des lieux et tendances. Synthèse des résultats
  • La France Bénévole : évolutions et perspectives. Mai 2019
  • Le bénévolat sous le regard des économistes, Revue française des affaires sociales, 4, 2002
  • Mise en évidence et valorisation du bénévolat, Revue française des affaires sociales, 4, 2002
  • Développer, accompagner et valoriser le bénévolat, Centre d’analyse stratégique, 2011

 

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Publié le 06 Janvier 2020. Mis à jour le 19 Janvier 2022