Le Prix du Meilleur Article Financier, créé par Lire la Société- Lire la Politique, en partenariat avec l’AJEF et la Banque de France, met à l’honneur deux journalistes, l’un dans la catégorie « jeunes » et l’autre dans la catégorie « confirmés ». Ce prix a pour but de soutenir et de saluer le talent indispensable des journalistes économiques. Le travail des journalistes spécialisés en économie et en finance mérite en effet d’être récompensé lorsqu’il permet aux citoyens de mieux appréhender un domaine qui leur semble souvent lointain ou incompréhensible, et suscite parfois leur méfiance.

 

Cette année, la lauréate de la catégorie jeune est  Ingrid FEUERSTEIN, avec son article intitulé E-commerce : les dessous d’un grand bazar fiscal, (Les Echos) et le lauréat de la catégorie « confirmé » est Clément LACOMBE, avec son article Le business de la dépendance, (L’Obs)

A cette occasion, nous avons eu la chance de pouvoir interviewer Ingrid Feuerstein. Voici notre entretien.

 

Comment l’idée d’un article sur la fraude à la TVA dans le e-commerce vous est-elle venue ?

Ingrid Feuerstein : Depuis cinq ans que je m’occupe des questions fiscales aux Echos, je me suis intéressée particulièrement à l’optimisation fiscale des multinationales, à la taxation des GAFA, mais aussi à la fraude à la TVA qui est parfois oubliée dans le débat public. Cette fraude est particulièrement importante sur les places de marché des sites de e-commerce, car les milliers de colis importés chaque jour au sein de l’Union européenne ne peuvent pas tous être contrôlés par les douanes. J’ai écrit un premier article faisant état des inquiétudes à Bercy sur des pertes de recette fiscales de plus en plus importantes. Cet article a suscité de nombreuses réactions sur les réseaux sociaux de la part de commerçants victimes de ces pratiques. C’est de là qu’est partie mon enquête. Ce travail m’a menée dans les méandres des places de marché du commerce en ligne,  de la diplomatie européenne et de la compétition féroce que nous livre la Chine sur le commerce mondial.

 

La lecture de votre article laisse penser que vous avez mené une véritable enquête sur le sujet. Combien de temps vous a-t-il fallu pour la finaliser ?

IF : Aux Echos, nous menons toujours nos enquêtes de front avec l’actualité quotidienne. J’ai donc du mal à dire combien de temps j’ai consacré précisément à ce travail car je pouvais faire plusieurs interviews dans la même journée en plus d’un article à publier pour le lendemain sur un sujet tout autre. On peut dire qu’il s’est déroulé un mois entre le début de mon enquête et sa publication.

 

Votre article est très bien documenté. Mis à part les interviews des spécialistes de la question fiscale liée au e-commerce, quelles autres sources d’informations avez-vous utilisé ?

IF : J’ai parlé à beaucoup de vendeurs sur ces places de marché, à des sociétés spécialisées dans les formalités de TVA, et qui ont été une source précieuse d’informations, à des directeurs fiscaux dans la grande distribution, à des dirigeants dans le e-commerce. Malheureusement, Amazon n’a pas souhaité répondre à mes questions malgré mes demandes répétées, alors que c’est le numéro un en France.

 

Votre article traite du problème de l’assujettissement à la TVA des achats réalisés via le e-commerce, notamment auprès de vendeurs chinois. On parle aussi beaucoup de la taxe GAFA, qui vise essentiellement les grosses sociétés américaines du numérique. En quoi ces deux sujets diffèrent-ils ?

IF : Les deux sujets sont très différents. Concernant la TVA, le problème vient du fait que beaucoup de produits sont vendus en ligne hors taxe sans que le consommateur ne le sache. Le prix est souvent inférieur à celui pratiqué en magasin tout simplement parce que la TVA n’est jamais reversée au Trésor Public. Les services de contrôles du fisc ont du mal à repérer cette fraude parce qu’elle concerne des milliers d’achats de petits montants et qu’ils ont peu de recours contre des vendeurs basés à l’étranger, hors de l’Union européenne. Nous sommes en train d’adapter notre système fiscal, c’est aussi ce que l’article explique, en confiant aux sites de e-commerce la responsabilité de collecter la TVA. Tout ceci prend du temps, parce qu’il faut le faire à l’échelle européenne.

La Taxe GAFA, c’est autre chose. Le sujet concerne toutes les entreprises numériques et qui, à l’heure actuelle, paient un faible impôt sur les sociétés car le caractère immatériel de leur activité leur donne bien plus de possibilité d’optimiser l’assiette de leur impôt. La taxe Gafa, encore en discussion à l’OCDE et au sein de l’UE, vise à rétablir ce déséquilibre.


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Publié le 26 juin 2020.