Le bitcoin, terme anglophone qui combine l’unité de mesure informatique - le « bit » - et l’argent (coin en anglais signifie « pièce de monnaie ») et que l’on pourrait traduire par « pièce de monnaie numérique », est un moyen d’échange permettant à une communauté d’utilisateurs de régler leurs transactions sur internet sans recourir à une monnaie légale (euro, dollar, yen,….).

Il a été créé en 2008 par un certain Satoshi Nakamoto  sans que l’on sache s’il s’agit vraiment d’une personne ou d’un pseudonyme destiné à préserver l’anonymat de son ou ses créateur(s). L’idée initialement mise en avant par le ou les créateurs du bitcoin, en référence aux travaux de l’économiste Friedrich Von Hayek (1899 – 1992), était de contourner le système financier traditionnel qui aurait montré ses limites avec de la crise de 2008 en favorisant l’apparition de monnaies concurrentes aux monnaies légales.
 

Le bitcoin, comment ça marche ?

Il est assez simple d’acheter des bitcoins. Il suffit de se rendre sur une plateforme en ligne qui propose ce service et de régler le montant correspondant en euros ou toute autre devise officielle. Pour pouvoir utiliser le bitcoin, il est toutefois nécessaire d’installer un logiciel dédié (un « wallet » ou portefeuille) sur son ordinateur ou son smartphone et de se connecter au système. Cette connexion permet de créer son compte personnel, d’y stocker ses bitcoins et d’effectuer des transactions avec d’autres utilisateurs : chaque transfert de bitcoin entre portefeuilles nécessite une signature recourant à une clé privée générée par le système qui permet de s’assurer que l’opération est bien effectuée par les détenteurs des portefeuilles. Pour plus de simplicité, l’utilisateur peut également choisir de recourir à une plateforme de conservation de ses avoirs en bitcoins – une sorte de compte en ligne libellé en bitcoin -, qui assurera alors la détention des données attestant de la possession des bitcoins (notamment les clés privées) et la gestion des transactions initiées à la demande de ses client.
La particularité de ce système réside dans son mode de vérification et de sécurisation des transactions, ce que l’on appelle le procédé de « minage » qui consiste à faire valider par les membres du réseau disposant du matériel informatique adéquat toutes les opérations réalisées en bitcoin. Ceci signifie que le contrôle des opérations est confié non pas à une autorité centrale, comme dans le système financier traditionnel, mais à des membres du système.
Concrètement, les « mineurs » sont chargés de regrouper toutes les dernières transactions en un seul « bloc » après s’être assuré de leur validité et d’ajouter ce nouveau bloc à l’ensemble des blocs préexistants dans le système depuis son origine (la chaine de blocs ou blockchain).
Cette chaine de bloc est donc assimilable à un grand livre comptable regroupant l’historique des transactions que les membres du système peuvent consulter à tout moment, mais qu’ils ne peuvent modifier en raison des règles cryptographiques très strictes qui régissent son fonctionnement. Ainsi, chaque opération réalisée et validée par le processus de minage devient publique et irrévocable.
Afin d’encourager les membres du système à pratiquer le minage, un mécanisme de récompense est mis en place. Il consiste à rémunérer en bitcoins le mineur qui réussira le premier à valider un nouveau bloc de transactions grâce au calcul d’une valeur de contrôle –appelée « empreinte »- comprenant les paramètres de ce bloc (comme le numéro de version du logiciel de minage ou l’horodatage), l’empreinte du bloc précédent et un nombre aléatoire dénommé « nonce ».
La récompense pour le mineur ayant réussi à valider un bloc était à l’origine de 50 bitcoins. Mais le système prévoit une division par deux du montant de la récompense tous les 210 000 blocs créés. Ainsi aujourd’hui ce montant n’est-il plus que de 12,5 bitcoins. Comme la difficulté du calcul du minage est calibrée de telle sorte que le temps de calcul d’une empreinte soit de 10 minutes, il  est possible d’anticiper une division par deux de la récompense du minage tous les 4 ans (à raison de 6 calculs d’empreinte par heure, cela fait 52 500 calculs d’empreintes par an et 210 000 sur 4 ans) et la fin de la création de bitcoins aux alentours de l’année 2140. Le minage constituant le seul moyen de créer des bitcoins, le nombre maximal que le système pourra en générer est ainsi de 21 millions.
Compte tenu de ce plafonnement programmé, et du fait que le mode de validation des transactions est volontairement conçu pour être long et couteux, la question de la viabilité du bitcoin à des fins transactionnelles est posée. En fait, son véritable intérêt réside davantage dans l’anonymat qu’il procure à ses utilisateurs ainsi que dans le caractère infalsifiable de l’enregistrement des transactions effectuées.

Intérêts et limites du bitcoin

Au moment de sa création, l’intérêt pour le bitcoin demeurait assez limité. Il permettait surtout à ses utilisateurs d’effectuer des transactions sur internet avec des coûts très faibles, mais cela ne concernait qu’une quantité très réduite de biens ou de services car très peu de sites acceptaient le bitcoin. En outre, la « communauté bitcoin » restait marginale. Elle comprenait essentiellement des personnes adhérant au discours des créateurs du bitcoin et attirées par son aspect novateur et alternatif, mais aussi des membres de réseaux criminels profitant de l’anonymat des transactions pour blanchir une partie de l’argent issu de leurs activité illicites.
Au début des années 2010, alors que le nombre d’utilisateurs croît progressivement, la lenteur du processus de création des bitcoins favorise –par un effet rareté- l’appréciation de son cours. Celui-ci passe ainsi en quelques mois de 0,3 dollar US en 2010 à près de 10 dollars US en juin 2011, niveau auquel il restera jusqu’au début de l’année 2013.

Deux éléments ont cependant joué un rôle prépondérant dans le développement de l’usage du bitcoin au cours de cette période :

  • D’une part, de plus en plus de sites et de commerçants ont choisi de l’accepter comme mode de règlement, séduits par l’absence de frais de transaction –qui sont facturés à l’acheteur- et par le caractère irrévocable des transactions validées qui sécurise les transactions.
  • D’autre part, de nombreux médias ont publiés des articles mettant en avant la particularité du bitcoin et lui offrant ainsi une publicité mondiale qui l’a rendu populaire.

Mais à compter du mois de mars 2013, la crise chypriote va marquer un véritable tournant pour l’usage du bitcoin et le faire entrer dans la catégorie des actifs hautement spéculatifs, le détournant ainsi de sa fonction transactionnelle initiale telle que présentée par ses promoteurs.
Le bitcoin a en effet servi de placement refuge pour les épargnants étrangers, essentiellement russes, dont les importants avoirs auprès des banques chypriotes étaient menacés de forte taxation par les autorités monétaires dans le cadre d’un plan de sauvetage financier du pays. La demande de bitcoins s’est alors soudainement accrue, et son cours s’est envolé pour atteindre 230 dollars US en avril 2013.
Si, jusqu’à la crise chypriote, le cours du bitcoin progressait à un rythme régulier, il connait alors des phases alternant fortes hausses et soudaines baisses typiques des actifs spéculatifs : la hausse du bitcoin attire de nouveaux investisseurs qui parient sur la poursuite du mouvement de hausse pour générer des gains rapides tandis que les baisses constituent pour ces mêmes investisseurs une opportunité d’achat à bon compte. Le cours du bitcoin s’envole jusqu’à atteindre 19 000 dollars en décembre 2017, après avoir doublé en à peine un mois.

Plusieurs éléments permettent d’expliquer cette hausse fulgurante du cours du bitcoin :

  • Du côté de l’offre, la lenteur du processus de création de nouveaux bitcoin ainsi que la faiblesse programmée du stock de bitcoin en circulation induisent naturellement un phénomène de pénurie. Ce phénomène est aggravé par la très forte concentration du marché – 2,5 % des investisseurs détiendraient plus de de 95 % des bitcoins – qui limite la masse des bitcoins réellement disponibles.
    Du côté de la demande, l’anonymat des transactions, l’insaisissabilité des avoirs et la capacité à les convertir en monnaie légale au travers de plateformes spécialisées accessibles en ligne ont fait du bitcoin un actif recherché partout dans le monde par le crime organisé pour sa faculté à blanchir l’argent issu des activités illicites tout en lui garantissant un « havre de paix ». Ce phénomène a sans doute permis d’amorcer la hausse du cours du bitcoin et de le porter bien au-delà de ce que sa simple utilisation comme mode de règlement de transactions numériques aurait pu conduire. D’intermédiaire des échanges, le statut du bitcoin évolue alors pour passer à celui d’actif financier, un « crypto-actif ».
  • La spéculation a ensuite pris le relai dans le courant de l’année 2017 pour former une véritable bulle, dans laquelle les hausses de cours s’enclenchent selon un processus auto-entretenu, qui finit par éclater au début de l’année 2018 lorsqu’apparaissent les premières menaces de réglementation de la part des États. Le bitcoin est ainsi devenu un crypto-actif hautement spéculatif.

 

 

Ce qui a fait le succès du bitcoin, la spéculation ou la recherche d’un actif réserve de valeur, en constitue aussi paradoxalement la limite principale. En effet, la spéculation induit une variation très forte de son cours à la hausse comme à la baisse (on parle de volatilité) qui rend extrêmement difficile son usage comme mode de règlement puisque sa valeur fluctue constamment. De même, un actif réserve de valeur est destiné à être conservé dans une perspective de moyen/long terme et non à être utilisé pour régler des achats. Ainsi, le bitcoin ne peut prétendre jouer un rôle de concurrent aux monnaies légales (euro, dollar, …) comme unité de compte ou intermédiaire des échanges si ce n’est de façon marginale. Il ne représente en effet qu’environ 0,3% du volume des transactions en zone euro et à peine 1% des paiements réalisés par Visa et Mastercard aux États-Unis. Le bitcoin est devenu, de fait, essentiellement un actif financier dont certaines caractéristiques ne sont pas sans rappeler celles de l’or : il ne génère pas de revenus, les réserves mondiales sont limitées et sa production est faible, son cours évolue au gré des variations de la demande, il peut être recherché comme réserve de valeur dans une perspective de long terme.

Mais le bitcoin, contrairement aux actifs financiers « classiques », présente plusieurs limites importantes en termes de sécurité de placement pour les investisseurs :

  • La convertibilité du bitcoin en monnaie légale n’est possible que si le vendeur trouve un acheteur qui souhaite en acquérir au prix demandé, ce qui ne peut pas être garanti. Le vendeur de bitcoin n’est donc jamais assuré de récupérer ses fonds au moment où il le souhaite : c’est un actif peu liquide.
  • L’acheteur s’expose par ailleurs à un risque de fraude important et peut se voir proposer des bitcoins qui n’existent pas. S’il passe par l’intermédiaire de plateformes spécialisées, celles-ci peuvent faire l’objet d’attaques de la part de pirates informatiques comme celle de MtGox en 2015 ou encore celle de Coincheck en 2018. Dans les tous les cas, les acheteurs ne bénéficient d’aucun régime d’assurance et ne sont donc pas indemnisés à hauteur du préjudice subi en cas de fraude ou de vol.
  • La valeur du bitcoin ne repose sur aucun actif tangible, contrairement à l’or, aux actions ou aux obligations. C’est uniquement la vigueur de la demande qui en détermine le cours. Or, à moyen ou long terme, rien ne permet de dire que cette demande existera encore et que le bitcoin aura une quelconque valeur.

Le minage est devenu le maillon faible du système

Les promoteurs du bitcoin proclamaient qu’ils avaient pour ambition d’en faire une nouvelle monnaie fondée sur de nouvelles technologies autorisant une gestion décentralisée, n’ayant aucun cours légal et totalement virtuelle. Il s’agissait d’une idée révolutionnaire d’inspiration libertaire et voulant proposer une alternative aux systèmes monétaires hiérarchisés et centralisés en place.
Toutefois, en raison de l’accroissement de la difficulté de calcul de l’empreinte, due à une concurrence exacerbée sur le marché du minage, qui nécessite d’augmenter régulièrement les capacités de calcul informatique, l’activité de minage est devenue de plus en plus « capitalistique », c’est-à-dire qu’elle a abouti à mettre en réseau un nombre croissant d’ordinateurs et d’investir de plus en plus dans un matériel informatique toujours plus puissant. C’est la condition essentielle pour pouvoir espérer résoudre avant les autres mineurs le calcul des empreintes et empocher la récompense et c’est ce qui explique que cette activité ne soit plus exercée aujourd’hui que par quelques gigantesques « fermes » de minage situées pour l’essentiel en Chine, en Europe de l’est, voire dans des pays réputés pour le faible coût de l’énergie (Islande …).
Le bitcoin s’est ainsi progressivement éloigné de sa vocation d’origine d’un substitut crédible à la monnaie totalement décentralisé et géré par les membres du réseau. Les opérations de validation des transactions et de production de nouveaux bitcoins étant désormais concentrées sur quelques opérateurs qui recherchent avant tout à maximiser la rentabilité de leur activité, il n’est plus possible de parler de réseau « libertaire » et ce d’autant plus que la consommation énergétique nécessaire à l’activité de minage s’est fortement accrue en liaison avec la mise en place de ces fermes, et devient disproportionnée par rapport à l’usage très restreint du bitcoin. La consommation annuelle d’électricité du bitcoin est ainsi supérieure à celle d’un pays comme la Hongrie, qui compte 10 millions d’habitants.
La concentration de l’activité de minage induit par ailleurs le risque de voir un mineur, ou un cartel de mineurs, détenir un jour plus de la moitié des capacités de calcul ce qui leur permettrait de prendre le contrôle du système de validations des transactions à leur bénéfice, comme enregistrer toutes sortes d’opérations illicites, invalider a posteriori les transactions initiées par les autres utilisateurs légitimes, ou encore détourner des sommes importantes.

Conclusion

Le bitcoin avait à l’origine l’ambition de proposer une alternative aux monnaies légales dans une démarche résolument libertaire et participative en s’appuyant sur une technologie innovante permettant de s’affranchir des institutions financières et des banques centrales pour produire une monnaie virtuelle et valider et sécuriser les transactions opérées avec celle-ci.
Mais les principes de fonctionnement du système bitcoin contenaient dès l’origine les germes de son altération future en tant que monnaie. La lenteur, la lourdeur et le coût toujours croissant du processus de création de bitcoin combinés à la limitation programmée du stock disponible condamnaient à terme l’usage du bitcoin comme intermédiaire des échanges en concurrence des monnaies légales.
Ce constat amène à s’interroger sur les motivations réelles des promoteurs du bitcoin et sur le caractère authentique de leur discours puisque tout dans le système conçu initialement concourait à organiser une hausse sensible du cours et non à permettre d’adapter le stock de bitcoins disponibles au développement de son usage comme intermédiaire des échanges et unité de compte.
Loin de pouvoir être utilisé comme une monnaie à part entière, le bitcoin est devenu de fait un actif essentiellement spéculatif et extrêmement risqué dont la valeur ne repose que sur la confiance que ses utilisateurs lui accordent, mais qui offre un support idéal aux opérations de blanchiment de l’argent issu des activités illicites ou au financement du terrorisme.

Retrouvez ici notre vidéo ludique et pédagogique sur le bitcoin

 


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Publié le 28 Novembre 2018. Mis à jour le 27 Janvier 2022