En quoi consiste cette "guerre commerciale" qui a été déclarée en 2018 ?
Pourquoi a-t-elle éclaté ? Qui en sont les acteurs principaux ?
Quels risques a-t-elle fait peser sur l’économie mondiale ?
Toutes les réponses sont dans cette vidéo ludique et pédagogique, made in Citéco.
La vidéo sur la guerre commerciale date de 2018 et aborde les mesures protectionnistes prises par le président Trump lors de son premier mandat.
Elle reste en grande partie juste dans les implications qu’elle décrit pour l’économie américaine, le commerce international et la croissance mondiale.
D’autres éléments doivent cependant être pris en compte pour compléter et actualiser les informations contenues dans cette vidéo :
En premier lieu, la justification de la nouvelle hausse des tarifs douaniers américains repose sur un raisonnement d’ordre économique et fiscal très contestable :
Il est en effet supposé que si les ménages américains consomment des produits d’importation frappés de droits d’entrée plus élevés, ces nouvelles rentrées fiscales permettraient de réduire le déficit public des États-Unis et pourraient même compenser la baisse du revenu fédéral liée à la réforme fiscale prévue en 2025.
Alors que si les ménages américains renoncent à consommer des produits d’importation devenus plus onéreux, le déficit commercial des États-Unis (qui atteignait 773 milliards de dollars en 2023) devrait se réduire. En théorie, cette réaction pourrait aussi inciter à la relocalisation des usines sur le territoire américain, afin de produire les biens de consommation nécessaires.
Mais ce raisonnement parait assez simpliste car la hausse des prix engendrés par des droits de douanes plus élevés conduira surtout à alimenter les pressions inflationnistes internes. En effet, il est probable que toute ou partie de la hausse des droits de douane se retrouve dans les prix des produits importés vendus au détail. Ce qui conduira à réduire le pouvoir d’achat des Américains et la consommation intérieure, ce qui in fine diminuera également les rentrées fiscales. Le même raisonnement s’applique aux consommations intermédiaires achetées par les entreprises américaines et ce d’autant plus que les chaînes de valeur sont très intégrées mondialement, ce qui implique qu’une production peut passer plusieurs fois la frontière -et donc sera taxé autant de fois- avant que le produit fini soit vendu sur le sol américain.
Quand à la volonté d’inciter aux relocalisation industrielles, voire aux nouvelles implantations d’usines de firmes étrangères aux Etats-Unis pour contourner les barrières douanières, elle se heurte aux problématiques d’embauches de personnels (l’économie américaine tourne au quasi plein-emploi de sorte qu’il y aurait pénurie de main d’œuvre) et à l’incertitude quant à la stabilité de la politique économique américaine qui n’incite pas les firmes à s’implanter ou se réimplanter aux Etats-Unis,
d’autant que d’autres options de contournement des barrières douanières sont possibles, comme l’implantation dans des pays moins fortement taxés par l’administration Trump et à partir desquels les produits finis peuvent être exportés, ou encore la possibilité de compenser la hausse des tarifs douaniers par une baisse des prix en dollar (qui peut d’ailleurs être compensée par une hausse des prix sur d’autres marchés).
En second lieu, la politique tarifaire agressive ne permet de réduire le déficit commercial que si la hausse des droits de douanes provoque une baisse des quantités importés, sans que les exportations ne soient trop affectées. Or, deux éléments peuvent contrecarrer ce schéma :
- Des mesures de rétorsion similaires prises par les partenaires commerciaux : la hausse des tarifs se généralise et les exportations de tous en pâtissent, y compris celles du pays à l’initiative de la guerre commerciale : les importations baissent autant que les exportations de sorte que le déficit commercial ne se résorbe pas vraiment mais que la croissance mondiale ralentit. Tout le monde y perd. C’est ce que décrit la vidéo et qui demeure valable.
- Une appréciation du dollar. Si les tensions inflationnistes ou les anticipations d’inflation se renforcent aux Etats-Unis, la banque centrale américaine -la Fed- réagira en augmentant ses taux d’intérêt directeurs, ce qui améliorera le rendement des actifs en dollar et donc l’attrait des investisseurs internationaux. Il en résultera une hausse du dollar sur le marché des changes. Or, toute hausse du dollar rend moins chers sur le sol américain les produits importés. Exactement l’inverse de l’effet recherché avec la hausse des tarifs douaniers ! Les effets attendus de celle-ci seraient donc intégralement ou en grande partie annihilés par l’appréciation du dollar. Pire : la hausse du dollar renchérit le prix des exportations américaines sur les marchés étrangers et réduit donc leur compétitivité. Ainsi, non seulement les importations risquent de ne pas vraiment diminuer, mais les exportations risquent de flancher et le déficit commercial se creuser et non se résorber.
En troisième lieu, tous les pays partenaires commerciaux ne sont pas impactés de la même façon par la politique tarifaire de Trump 2.
Leur situation dépend de la hausse des droits de douane qui les touchent et de leur exposition au marché étatsunien. Par exemple, le Mexique et le Canada réalisent près de 80% de leurs exportations vers les États-Unis. Une guerre commerciale avec les États-Unis pour chacun de ces deux pays serait extrêmement dommageable pour l’activité, en particulier dans le court terme.
Les pays européens sont dans l’ensemble moins exposés au risque d’une guerre commerciale avec les États-Unis que ne le sont le Mexique et le Canada en raison de leur éloignement géographique. Les États-Unis représentent environ 7,5% des exportations françaises de biens. C’est moins que l’Allemagne et l’Italie, qui sont autour de 10%. Pour le Royaume-Uni, c’est autour de 13,5% et 20% pour le Japon. Donc la France et les pays européens sont moins exposés. Malgré tout, une guerre commerciale représenterait un risque sur l’activité à court terme dans la zone euro, en particulier dans certains secteurs qui sont plus exposés. L’Allemagne est très exposée, par exemple, sur le secteur des véhicules, des machines ou de la chimie qui concentrent les exportations vers les États-Unis. Pour la France, les secteurs les plus exposés sont l’aéronautique, la chimie, la pharmacie l’agroalimentaire, en particulier les boissons, et le luxe (même si dernier parait moins exposé a priori aux conséquences d’un renchérissement de prix à l’export).
Pour aller plus loin : découvrez notre article de fond intitulé " Libre-échange et protectionnisme, quelle réalité dans un monde globalisé et interconnecté ".
Publié le 14 Janvier 2019. Mis à jour le 19 juin 2025